Valérie Lesage | 9 décembre 2021
Rare femme dans le monde d’hommes de la construction, Catherine Gendron était prise dans une croyance issue de son enfance : pour avoir du succès en affaires, il fallait être homme et ingénieur, comme l’avaient été les trois générations de dirigeants dans sa famille en affaires. Alors quand son père lui a confié le leadership du conseil de famille pour assurer la pérennité du Groupe AGF, multinationale des structures d’acier, Catherine a gagné de la confiance en elle, et enfin un sentiment de légitimité dans l’entreprise et au-delà.
« Avoir ce rôle qui parle de psychologie, de bien-être et de relations légitimait ma place, se souvient-elle. Aujourd’hui, je suis fière qu’on m’ait confié cette responsabilité qui vient aussi asseoir le bien-fondé des conversations sur nos relations. »
Depuis longtemps, en raison de sa position d’aînée dans sa fratrie, Catherine a porté le chapeau de la communicatrice, celle qui avait la mission de transmettre les messages importants à ses deux frères. Son père Serge, président du Groupe AGF, a vu en elle des aptitudes communicationnelles qu’il ne possédait pas. Avec Maxime, le fils qui lui succédera à la présidence de l’entreprise, il avait jeté les bases d’un conseil de famille, une instance destinée à assurer la pérennité de l’entreprise.
Catherine a pris le relais dans un rôle de leader qui a été reconnu et formalisé par sa famille. Comme toutes les Anne de ce monde, catalyseurs des familles en affaires, elle est partie à la recherche d’informations sur cette instance. Elle a rencontré des spécialistes, elle a sollicité l’aide de guides accompagnateurs. Et le conseil de famille, sous son leadership, est devenu un lieu d’échanges insoupçonnés.
« On a commencé à parler de nos relations, ce qui a beaucoup surpris mon père! Enfin, mes frères et moi avions une tribune pour lui parler de nos rêves, de la manière dont les enfants pourront bénéficier d’AGF, qui est pratiquement une sœur pour moi! Nous parlons aussi de ce qui peut nous aider à rester une famille unie et de la manière dont on veut concrétiser nos projets, en accord avec nos valeurs », explique Catherine, heureuse que tous les membres de ce conseil de famille soient pleinement engagés dans la démarche.
L’accompagnement reçu leur a permis de se dire ce qui auparavant pouvait rester enfoui en eux. D’avoir des garde-fous pour s’exprimer dans un cadre sécuritaire. Quatre ans plus tard, le sentiment d’habileté communicationnelle a grandi en eux et de plus en plus, ils osent se parler avec le cœur, être authentiques.
Au sein du Groupe AGF, Catherine est chef Culture organisationnelle, un rôle qui a des similitudes avec celui du conseil de famille, puisqu’il concerne les relations et le bien-être.
« Je forge des mentalités, j’inspire des visions. Si je fais bien les choses, ça devient l’idée des autres, mais je peux avoir dit des choses pendant cinq ans avant! Je suis dans l’univers de l’intangible, dans l’influence indirecte », observe celle qui a osé aborder les sujets plus épineux de la sphère relationnelle, ce qui a mené à une politique organisationnelle pour un milieu de travail sain.
À l’automne 2021, le Groupe AGF a remporté le prix de l’entreprise familiale de l’année remis par Family Enterprise Canada. Tout le travail consacré à l’unité familiale et à l’empreinte économique et sociale de l’entreprise est ainsi reconnu. Catherine en est si fière qu’elle a rapporté le trophée à la maison pour le montrer à sa fille.
Quand son père cédera son rôle de président du Groupe AGF à Maxime, actuellement chef de l’exploitation, Catherine souhaite que jamais ses frères et elle ne laissent de côté le conseil de famille. Elle voit encore le besoin d’apprendre à être une équipe unie, dans laquelle chacun peut vraiment compter l’un sur l’autre. Pour elle, le conseil de famille et les enjeux qu’il aborde s’inscrivent dans une évolution en continu. En fait, c’est un projet de vie et non une étape transitoire qui ne servirait qu’à encadrer le relais d’une génération à une autre.