Jessica Grenier | 11 mai 2022
Au Québec et ailleurs, les efforts pour soutenir la relève sont surtout concentrés sur les personnes qui aspirent à reprendre le rôle de premier dirigeant de l’entreprise familiale. Et si nous étions en train d’oublier l’importance de préparer d’autres leaders qui influencent aussi la continuité des affaires familiales?
Prenons l’exemple de la famille Jobin. Les parents ont fondé un groupe de trois entreprises intégrées dans le commerce de détail et la fabrication, qui détiennent un parc immobilier important, en plus de gérer des placements. Ces entreprises comptent 400 employés et génèrent des revenus de 200 millions de dollars annuellement.
Pour soutenir la croissance de ces entreprises et s’assurer de la rétention de talents, les Jobin ont inclus trois employés clés dans l’actionnariat des entreprises. Ceux-ci possèdent 40% des actions, tandis que le holding familial Jobin, par ses membres actionnaires, est majoritaire.
Les Jobin ont une fille, Ariane, qui travaille au marketing dans l’une des trois filiales et un fils, David, en voie de devenir le pdg du groupe d’entreprises; il succédera à son père Luc. Un autre fils, Marc, a décidé d’évoluer hors des entreprises et occupe un emploi en coopération internationale. Tout ce beau monde et leurs conjoints siègent au conseil de famille, Ariane préside par ailleurs un comité consultatif et il existe même un conseil des propriétaires. La mère Élise, elle, a pris sa retraite, mais demeure très investie dans la fondation familiale et le conseil de famille.
Complexe, pensez-vous? La réalité des Jobin ressemble pourtant à celle de beaucoup d’autres familles en affaires. Et la complexité va au-delà de la structure de la propriété et de la gouvernance installée pour favoriser la continuité des affaires familiales. Elle est faite de multiples différences de point de vue, auxquelles aucune famille en affaires ne peut échapper. Marc, qui ne travaille pas dans l’entreprise, se sent à part et se questionne sur son rôle. Ariane aimerait être soutenue dans son développement, au même titre que son frère David, qui de son côté estime contribuer à enrichir tout le monde. Leur père se sent déchiré, car il aimerait que ses enfants soient traités également et il voit que ce n’est pas nécessairement le cas. Leur mère, elle, ne se sent pas reconnue dans sa contribution ni dans son rôle diffus de catalyseur positif dans la dynamique familiale. Quant aux trois employés clés actionnaires, ils ont confiance en la famille, tout en désirant plus de reconnaissance et des moyens de sécuriser leur patrimoine personnel. Les conjoints, pour leur part, voudraient plus d’information sur les intentions de la famille et la place de leurs enfants dans le plan de continuité.
Dans une telle histoire, la famille entrepreneuriale peut choisir de ne pas discuter des besoins et des aspirations des différentes personnes investies dans le projet familial. Ou alors elle ouvre la conversation et élargit sa perspective vers le partage du leadership, qui peut inclure tous les membres de la fratrie, de la famille élargie, des actionnaires sans lien de parenté et peut-être même un ou des conseillers de confiance. Cette approche est complexe, mais assurément solide. Elle permet de reconnaître la diversité des forces et des talents, tant dans l’entreprise qu’au sein de la famille. Cela a pour effet de favoriser des transitions mieux réussies entre les générations.
Pour cultiver une philosophie de leadership partagé, il est essentiel de reconnaître la cause pour laquelle chacun se mobilise. Existe-t-il un but commun communiqué de façon claire? Pour qui et pourquoi veut-on continuer d’écrire l’histoire de la famille entrepreneuriale? Dans cette histoire, des personnes ont des compétences, des complémentarités et une forme d’influence qui contribue à la continuité des affaires familiales. Alors s’il est naturel d’offrir du soutien au futur pdg ou à de futurs co-présidents, il importe également d’accorder de l’attention aux autres acteurs qui évoluent dans le système. Ils ont aussi une incidence sur le développement de la richesse globale, qu’elle soit pécuniaire ou relationnelle. Ainsi, le développement de ces personnes est tout aussi important lorsqu’on veut créer une vision fédératrice, communiquer harmonieusement, prendre des décisions éclairées et planifier les transitions.
Il existe plusieurs espaces où le processus d’influence fait son chemin: la famille, la propriété, les entreprises, les forums de gouvernance et la fondation familiale. Installer un leadership partagé à travers ces espaces permet une approche inclusive et offre des manières de reconnaître la contribution des uns et des autres au succès des affaires familiales. Et chacun, avec ses forces et ses différences, peut habiter un rôle valorisant, reconnu et utile pour la continuité.
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* Le genre masculin est utilisé dans le présent texte comme genre neutre. L’emploi du genre masculin a pour but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture.
Ce texte est écrit en collaboration avec Valérie Lesage, auteure et ex-journaliste, qui se sert des histoires pour éclairer le parcours des entrepreneurs depuis une dizaine d’années.