Jessica Grenier | 15 juin 2021
L’hiver dernier, j’ai enseigné le repreneuriat à une soixantaine d’étudiants à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke. Après une expérience avec des étudiants en génie dans les dernières années, il s’agissait du premier cours complet que je créais pour l’établissement à ce sujet. Un jour, une étudiante m’a interpelée : « Jessica, la plupart des étudiants en entrepreneuriat aspirent à créer, à diriger et à être autonomes. J’ai appris à lancer et à fermer une entreprise comme si elle était un bien à usage unique. Apprendre sur le repreneuriat est aussi vraiment essentiel pour comprendre les cycles! »
Cette révélation représente parfaitement la lumière que je souhaite faire briller dans les yeux de la relève par l’enseignement du repreneuriat. Le repreneuriat est un choix noble et responsable socialement qui offre tout un terrain d’accomplissement et d’autonomie. C’est sans doute pour cela que j’aime autant l’enseigner!
Portée par la conviction que les bases d’une culture repreneuriale passent par une éducation entrepreneuriale diversifiée, responsable et accessible, je m’implique sans hésitation avec les acteurs de l’éducation qui emboitent le pas pour inclure le repreneuriat comme voie entrepreneuriale dans les programmes éducatifs.
Le développement de la culture entrepreneuriale au Québec est une réussite collective qui a pris son envol au début des années 2000. Nous avons alors mis sur pied d’excellents programmes en création d’entreprise. Or, les occasions de reprendre une entreprise ne cesseront de se multiplier dans les prochaines années. Il est donc urgent de sensibiliser les générations montantes au fait que reprendre, c’est aussi entreprendre.
Heureusement, nos expériences nous indiquent que lorsqu’ils plongent et se sensibilisent au repreneuriat, les jeunes sont mobilisés, captivés et intéressés! Même si aujourd’hui, les repreneurs ont un profil plus âgé (moyenne de 40 ans) et ont donc souvent plus d’expérience en gestion et en entrepreneuriat ainsi que de plus grandes capacités financières, la préparation à reprendre est fondamentale. Plus nous commençons tôt, plus le portefeuille d’apprentissage est diversifié et plus le repreneur est prêt. N’oublions pas les histoires de jeunes repreneurs à peine sortis de l’université qui se lancent dans l’aventure — de tels parcours existent aussi!
Nous devons donc créer des occasions de donner des repères à la génération de repreneurs qui se prépare en s’imprégnant d’outils et d’histoires.
Les connaissances que nous intégrons sont la base de toute trajectoire d’apprentissage. J’ai eu le privilège de faire partie du plus grand chantier collectif de connaissances autour du repreneuriat au Québec en collaborant à la rédaction de Génération Repreneurs. Cet ouvrage, annexé à plusieurs histoires et cas vécus, fut donc la pierre d’assise du cours pour la session, de nos discussions, de nos réflexions et de nos évaluations.
Mais même avec un outil de connaissances exhaustif, un défi demeure : trouver comment ancrer le sujet dans un contexte qui a du sens pour les étudiants. Ils doivent participer le plus activement possible à l’apprentissage. Puisqu’il est moins évident de faire vivre en classe une expérimentation en repreneuriat qu’en création d’entreprise, il est essentiel de pouvoir connecter les apprenants aux repreneurs sur le terrain. Ils seront exposés à une multitude de modèles de reprise : familiaux, internes, externes ou en équipe
Les impacts de l’apprentissage du repreneuriat selon les étudiants
« [Le cours] ouvre une porte à penser au repreneuriat pour le futur (on n’avait eu aucun cours similaire). »
« J’ai une nouvelle vision et définition de l’entrepreneuriat. Ma vision de l’entrepreneuriat s’arrêtait aux start-up. Il fallait lancer son entreprise et générer une forte croissance pour faire de l’entrepreneuriat. Ce cours développe notre sens critique et notre analyse de la gestion en place. De plus, il nous permet d’apprendre des erreurs d’entrepreneurs et nous donne une ligne directrice. »
« Le cours m’a donné beaucoup d’outils et d’exemples concrets de la vie en repreneuriat. Cela va me permettre de bien planifier mon présent et mon futur. La relève est quelque chose à ne pas négliger. »
« Ma mère possède une entreprise. Sa reprise a toujours été une de mes options de carrière. Je n’avais jamais pensé à ce qu’une reprise impliquait. Ce cours m’a permis d’étudier et d’en apprendre sur différentes formes de reprise et divers défis. En effet, le cours m’a permis d’avoir des discussions avec ma sœur et ma famille sur la reprise. C’est le cours qui a le plus porté fruit de mon parcours.
Faire émerger les possibilités est au cœur de l’approche, mais surtout, développer une attitude face aux possibilités entrepreneuriales. Cela signifie, pour les étudiants, d’acquérir une ouverture et une pensée critique permettant de discerner ce qui est possible et souhaité dans son cheminement professionnel. Pour le personnel enseignant, cela implique d’explorer l’histoire de l’éducation en entrepreneuriat au Québec et d’intégrer la philosophie de pérennité dans notre culture d’enseignement. Qu’est-ce qui déclenche l’intention de transmettre et de reprendre dans une société sur le plan de l’éducation (et les étudiants en ont beaucoup à dire), des affaires, des finances et même de la conjoncture?
Une fois ces éléments compris, on peut y aller de manière concrète en explorant les étapes du repreneuriat qui suivent l’affinité entre un cédant et un repreneur potentiel :
Les étudiants qui connaissent ces étapes bien définies dans l’ouvrage référence verront leurs repères apparaître au fil du processus de reprise. Selon leur situation, ils sauront mieux cerner les défis ainsi que les solutions à leur portée.
Dans l’article Vers une décennie de repreneuriat publié dans Les Affaires, Vincent Lecorne, PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), conclut son témoignage avec ce constat : « L’écosystème du repreneuriat compte des acteurs qui pourront faire de l’accompagnement post-reprise, mais c’est encore à développer […]. Même chose pour la sensibilisation, la formation… Il reste encore beaucoup de chemin à faire pour établir une véritable culture repreneuriale au Québec. »
En effet, une éducation repreneuriale formalisée fait toujours défaut au Québec. Il faut répliquer la recette des années 2000 pour mobiliser le Québec vers une culture entRepreneuriale. Mettons maintenant l’accent sur le repreneuriat comme possibilité d’entreprendre. Il faut en parler, ouvrir le champ des possibles et montrer des modèles différents!
Si vous souhaitez échanger autour de l’enseignement en repreneuriat (les erreurs et les bons coups) ou sur l’utilisation de Génération Repreneurs dans un cours, signifiez votre intérêt ici et je vous reviendrai sans faute avec une possibilité de joindre un groupe de discussion dans les prochaines semaines!